Quoi de neuf au programme de ce mois de novembre ? Plein de belles choses, figurez-vous ! On a fait le plein de découvertes au théâtre et au cinéma ; et comme le veut la tradition, c’est parti pour le bilan culturel !
Aline, de Valérie Lemercier
Si le film est une comédie inspirée de Céline Dion, il n’en est pas pour autant une parodie. C’est avec beaucoup de tact et de délicatesse que Valérie Lemercier nous dévoile la vie privée d’une Céline intime, ou plutôt d’Aline Dieu puisque c’est ainsi qu’elle se nomme dans la fiction.
Le plus touchant dans ce récit – et ce qui est certainement son noyau plus que la carrière de la chanteuse – c’est son histoire d’amour avec Guy-Claude (vous reconnaîtrez René), un amour bien plus sincère et puissant que ce que les caricaturistes et les médias ont voulu en faire.
Au final, ce film permet d’humaniser cette méga-star qui, comme elle le chante, n’est qu’une femme comme les autres.
Esprits, d’Anna Nozière et le collectif POLKa
Esprits, c’est une expérience collective qui se construit autour de 5 acteurs qui nous entraînent dans une réflexion bouleversante sur le deuil… Au bout de 5 minutes, j’étais à terre. Les trois amis qui m’ont accompagné pour ce spectacle ont eux aussi été attrapés par la puissance de ce spectacle. Chaque comédienne et chaque comédien est venu avec ses morts. Chacun raconte, à son tour, une disparition dans son entourage plus ou moins proche. Qui un oncle (Kate) ; qui une sœur (Jules) ; qui une mère (Leah) ; qui un père (Rainer)… Petit à petit, c’est tout une famille de disparus avec laquelle on fait connaissance et dont les acteurs nous parlent avec tendresse et nostalgie.
Chaque comédien reconstitue tour à tour le souvenir de ce mort et ses partenaires de jeu enfilent le costume et la peau de ces disparus. Rien de glauque dans ce projet, tout se construit avec délicatesse et poésie.
IvanOff, de Fredrick Brattberg mis en scène par Galin Stoev
Réécriture d’Ivanov de Tchekhov, on retrouve dans cet IvanOff les personnages et les thèmes de la pièce russe, mais Fredrick Brattberg l’a dépouillée de ce qui l’ancrait dans le dix-neuvième siècle. Nous sommes donc dans une version résolument plus actuelle, ou plutôt atemporelle. Le décor et la mise en scène réalistes auxquels nous sommes habitués avec Tchekhov laissent la place à un grand espace blanc (murs et sol) comme une cellule mentale dans laquelle Ivanov est emprisonné. En proie à une profonde mélancolie, Ivanov semble ne plus pouvoir communiquer avec son entourage ni sortir de cette zone floue et sans couleur.
La pièce n’a pas soulevé les foules, par son côté sans doute trop expérimental et éloigné de la tradition russe.
Please Please Please, de Mathilde Monnier, La Ribot et Tiago Rodrigues
Ce spectacle est comme un triptyque. Dans leurs combinaisons irisées comme les carapaces de deux scarabées, les danseuses se tortillent d’abord, ondulent, remuent frénétiquement… Puis vient le temps des monologues, où chacune à tour de rôle raconte un récit, un second, un troisième. D’une serveuse rescapée d’Hiroshima à une ethnologue qui a tenté de raconter l’histoire de sa civilisation à une tribu inconnue du reste du monde, ces récits parlent se solitude mais aussi de transmission et de conflits générationnels sur un rythme effréné. Vient enfin le temps du dialogue, au cours duquel une mère et son enfant nouvellement né partagent leur regard sur l’existence.
Beaucoup ont été déroutés par cette forme qui, le cul coincé entre la danse et le théâtre, finit par n’être ni l’un ni l’autre. Moi, cela ne m’a pas dérangé, au contraire, j’ai bien aimé cette addition d’histoires pas si décousues que ça qui, en filigrane, m’ont raconté quelque chose sur les transmissions générationnelles (ou plutôt leur impossibilité).
Farm Fatale, de Philippe Quesne
Voici une petite fable écolo qui met en scène 5 épouvantails pleins d’imagination. Entre les montres et les clowns, ces personnages sont de vrais activistes verts. Comme dans un conte, les épouvantails parlent, racontent le monde d’avant, sont capables de communiquer avec une abeille et lui chanter Stand by me pour lui redonner un peu de souffle.
Absurde, le spectacle l’est probablement un petit peu dans sa forme, mais pas dans son discours. On est plutôt dans un récit à la Beckett où les personnages sont comme égarés dans un monde qui n’a plus de sens mais tentent (vainement) de lui en redonner un. Comme chez Beckett, on rit un peu, on s’ennuie parfois, on est ému par les constats que l’on dresse sans jamais verser dans le cynisme.
Voilà comment s’est déroulé mon mois de novembre sur le plan culturel. Et le vôtre ?
Qui a écrit cet article ?
Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.