Ça faisait longtemps qu’un mois de novembre n’avait pas été aussi intense sur le plan culturel. Avec 8 spectacles vus, on en a pris plein les mirettes. Désormais, c’est dit : la saison théâtrale est bel et bien lancée ! C’est parti pour le bilan culturel.
Dynasties, de Sara Forever
Ratage partiel pour Sara Forever et pour le Théâtre de la Cité qui a tenté d’ouvrir ses portes à un autre genre de spectacles : le show de drag queen. On retrouve dans le spectacle de Sara Forever les ingrédients qui font les bons numéros d’un spectacle drag (lipsync, danse, costumes…) mais le propos de Matthieu Barbin est brouillon et faussement profond. Sur le plan de la scénographie et de la lumière, on n’est pas loin de l’amateurisme. On salue néanmoins la tentative, car même si le spectacle est raté en l’espèce, il est essentiel que les grands lieux de culture comme un Centre Dramatique National ouvrent leurs portes à de nouvelles formes et soient plus inclusifs.
Invisibili, d’Aurélien Bory
Inspiré par Le Triomphe de la Mort, Aurélien Bory a imaginé une danse macabre où tous les fléaux contemporains se rencontrent : les migrants, le cancer, la guerre, etc. J’ai particulièrement aimé la manière dont la toile qui sert de décor de scène devient à la fois vague, drap, linceul et symbole de la mort omniprésente, engloutissant littéralement les danseurs. Très poétique !
Bérénice, de Racine par Robin Azéma
Le Théâtre du Pavé a longtemps mis à l’affiche les spectacles de Francis Azéma, c’est désormais au tour du fils de reprendre le flambeau. Entouré de trois comédiens, Robin Azéma s’attaque à Bérénice, l’un des chefs-d’œuvre de Racine. Le pari est risqué : le texte est difficile et l’action extrêmement ténue. Eh bien quelle réussite ! La jeune distribution s’empare avec intelligence des alexandrins et rend la pièce captivante et moderne. On a hâte de voir les prochaines créations de ce groupe de comédiens très prometteur.
Deux sœurs, d’après Marine Bachelot Nguyen par Océane Mozas
Quelle délicatesse ! Les pièces jouées dans le Studio du Théâtre de la Cité (la plus petite salle, située au niveau –1) sont toujours de petits joyaux. Deux sœurs ne fait pas exception à la règle. Dans un décor aux accents asiatiques, une jeune femme tente de se réapproprier la langue et la culture de sa grand-mère vietnamienne et l’Histoire de ce pays, notamment la légende de 2 sœurs, Trưng Trắc et Trưng Nhị qui, au premier siècle, ont levé des armées et repoussé valeureusement les attaques chinoises. Un spectacle plein de nostalgie et de poésie, un régal !
Contact, de Mélanie Vaysettes et Simon Le Floc’h
« C’est con, on garde ! », c’est ce que ma metteure en scène a coutume de dire lors des répétitions de théâtre de la compagnie à laquelle j’appartiens lorsqu’on monte un nouveau spectacle. Eh bien j’ai eu l’impression que le club dramatique (la compagnie de Mélanie Vaysettes et Simon Le Floc’h) obéit un peu à la même logique. Leur spectacle est totalement foutraque et se déroule presque comme une succession de sketchs plus absurdes les uns que les autres. Et qu’est-ce que c’est drôle ! Un peu comme un spectacle des Robins de Bois, vous savez, cette troupe qui s’était formée à la fin des années 1990.
Hécube, pas Hécube, de Tiago Rodrigues par la Comédie-Française
Quand on aime, on ne compte pas. Alors je suis allé voir 2 fois ce spectacle de la Comédie-Française qui a connu un grand succès en Avignon cet été. Clairement les comédiens du Français n’ont pas volé leur réputation : quel talent, ils sont captivants. Le premier soir, j’étais au cinquième rang, et le lendemain au balcon (rang W). Pour certains acteurs, la distance ne change rien, l’émotion reste intacte (oui Séphora Pondi, c’est de toi que je parle !).
Côté texte, il me semble que ce n’est pas la meilleure pièce de Tiago Rodrigues. Mais peu importe, on est quand même sur un spectacle de très bonne facture. Merci au Théâtre de la Cité d’inviter de si grands interprètes !
Senk, de Laura Calu
Je ne vais pas souvent voir des spectacles de stand-up. Celui de Laura Calu est un plutôt original dans son genre. Elle s’imagine gladiatrice, prête à combattre sur scène (et sur les réseaux sociaux) comme une guerrière dans une arène romaine. Le propos est un peu convenu et autocentré, mais Laura Calu se montre vraiment excellente dans l’interprétation de personnages dans ses sketchs. On sent qu’elle a un plaisir sincère à jouer à Toulouse et ça, ça fait plaisir aux petits chauvins que nous sommes ! Bonne nouvelle, Laura Calu sera de retour dans la ville rose (à la Halle aux Grains cette fois) le 17 avril 2026 pour l’une des dernières dates de sa tournée. Serez-vous au rendez-vous ?
Psychodrame, de Lisa Guez
Ce spectacle fait partie de ceux que j’ai préférés ce mois-ci. Six psychologues utilisent le théâtre comme moyen thérapeutique pour faire parler des patientes avec qui les méthodes classiques n’ont pas fonctionné. Grâce au jeu, de manière plus ou moins inconsciente, les problématiques affleurent et peuvent être traitées.
Ce qui m’a le plus bluffé, c’est la capacité des comédiennes à jouer alternativement les psychologues et les patientes : la femme-serpent, la collégienne, l’étudiante érotomane, et surtout Jessica (incarnée avec virtuosité par Fernanda Barth).
Mon psychodrame préféré : celui de la femme-serpent qui met en scène cinq personnages – Marie, son mari, un papier-peint, une femme qui rampe derrière le papier-peint et la femme-serpent. Cela paraît déjanté a priori, mais cela fait surgir plein d’images surréalistes très riches sur le plan psychanalytique (même pour le spectateur). Et puis demander à une actrice de jouer un papier-peint (et le faire avec brio), c’est quand même une gageure !
Le spectacle est de surcroît très engagé sur le plan politique, nous rappelant à chaque instant à quel point l’hôpital public est en danger et combien la santé mentale est l’enfant pauvre de notre système de santé. Bravo à la compagnie 13/31 qui porte haut et fort les couleurs d’un théâtre original, intelligent et engagé.
Silex and the City, tome 10 – La Clef, de Jul
Cela faisait 3 ans que la saga Silex and the City n’avait pas connu de nouvel épisode. Après la déception des tomes 8 (L’homme de Cro-Macron) et 9 (La Dérive des confinements), j’ai été ravi de retrouver les blagues potaches et vaseuses de la première heure. Suite à une expérience champignonnesque désastreuse, Blog Dotcom et sa fille Web font un voyage dans le temps qui les conduit dans un Ikéa des temps modernes. À leur retour en 40 000 avant notre ère, ils peinent à être crus par leurs contemporains… jusqu’au moment où ils apportent la preuve de leur récit : une clé Allen que Blog avait gardé sur lui. Et voilà le cours de la Préhistoire qui s’en retrouve totalement bouleversé !
Bref, le mois de novembre a été très riche sur le plan culturel, pour notre plus grand plaisir. Et vous, qu’avez-vous vu ce mois-ci ? Quels ont été vos plaisirs culturels au cours de ces dernières semaines ?
Qui a écrit cet article ?
Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.