Ô joie ! Les théâtres ont rouvert leurs portes et lancé leur nouvelle saison ! Pour profiter pleinement de ce renouveau, je suis allé voir pas moins de cinq pièces de théâtre de la comédie au drame, en passant par le music-hall et la danse contemporaine. Je me suis également plongé dans quelques bouquins qui méritent le détour ! C’est parti pour le bilan culturel du mois d’octobre.
⊗ Théâtre sans animaux, de Jean-Michel Ribes par Pierre Matras : Je suis allé à l’Escale de Tournefeuille pour voir ce spectacle de très mauvaise qualité. Les acteurs du Grenier Théâtre, quoique professionnels, nous ont proposé un jeu pas même digne d’une compagnie amateur et la mise en scène était vraiment peu exigeante. Passée la première scène assez bien pensée, le spectacle s’est enlisé dans une succession de parodies absurdes dignes des pires scènes de boulevard. Cela faisait vraiment longtemps que je n’avais pas vu un spectacle aussi mauvais… L’avantage, c’est que les prochains spectacles moyens que je verrai ne pourront en être que redorés !
⊕ Late Night, par le Blitztheatregroup : Une salle de bal en ruine, des dialogues décousus, des musiques confuses… Tels sont les éléments hétéroclites qui ont composé ce spectacle grec, entre danse et théâtre. Trois hommes et trois femmes ont enchaîné valses et tangos, comme pour oublier qu’au-dehors la guerre (civile ? internationale ?) faisait rage. Entre souvenir et anticipation, tous les repères étaient brouillés, mais pourtant l’émotion était bien là. Voilà un spectacle génétiquement inclassable, mais pas dénué d’intérêt !
⊕ J’espère qu’on se souviendra de moi, de Jean-Marie Piemme, par Sébastien Bournac : Un meurtre a été commis. A travers six monologues, dans une scénographie kaléidoscopique (des miroirs pivotants démultiplient les points de vue), l’auteur fait l’autopsie du crime. Le père, le collègue, le témoin, l’assassin, la mère et la compagne témoignent tour à tour pour nous aider à comprendre comment, en une seconde, tout a basculé pour Carlos (celui que la société ne verra désormais plus que comme un tueur de sang-froid). Dommage que les prestations des comédiens aient été inégales (notamment le premier et le dernier monologues), car certains textes m’ont vraiment tenu en haleine et fait profondément réfléchir !
⊕ Par-delà les marronniers, de et par Jean-Michel Ribes : Sous forme de music-hall, trois comédiens et trois divas ressuscitent le début du siècle dernier, en pleine folie dadaïste. Jean-Michel Ribes a convoqué trois figures assez méconnues de la littérature dadaïste et nous a présenté leurs destins symétriques : Jacques Vaché (Maxime d’Aboville), Arthur Cravan (Michel Fau) et Jacques Rigaut (Hervé Lassïnce). Sans se connaître, ils ont traversé de manière fulgurante le début du vingtième siècle, ainsi que nous le raconte ce spectacle au gré de cinq épisodes : la Guerre, l’Amour, l’Art, l’Ennui et la Mort. Trois muses accompagnent ces trois fantaisistes et confèrent au spectacle magie et lumière, car l’ensemble a parfois manqué un peu de rythme. En tous cas, j’ignorais que Ribes écrivait ce genre de pièces. J’ai été agréablement surpris et c’est probablement celle que j’ai préférée de cet auteur jusqu’à présent !
⊕ Ils s’aiment depuis vingt ans, de Pierre Palmade et Muriel Robin : Dans ce spectacle anniversaire, Muriel Robin et Michèle Laroque incarnent Isabelle et Mathilde, et on a à la fois l’impression de voir un nouveau spectacle et le sentiment de revoir les anciens. Le spectacle reprend les sketches des deux premiers spectacles (Ils s’aiment et Ils se sont aimés) mis bout-à-bout de manière à constituer une histoire d’un seul tenant. Ils ont eu la bonne idée de ne pas reprendre les sketches d’Ils se re-aiment qui était beaucoup moins bon. On accompagne ce couple de femmes de leur mariage à leur mort, en passant par tout la palette des disputes (parents, permis de conduire), du divorce et de la réconciliation ! Et on rit à nouveau comme il y a vingt ans !
⊕ Le Misanthrope, de Molière : Alceste ne supporte plus l’hypocrisie de la vie à la Cour, mais il aime Célimène, la plus fausse et la plus superficielle des courtisanes ! Il fait donc le pari avec son ami Philinte de mener une existence sincère et de montrer au monde entier qu’il a raison. Gagnera-t-il son procès ? Molière signe-là l’une de ses comédies de mœurs les plus subtiles et les mieux écrites, qui continue d’en dire long sur les codes de la vie en société.
⊕ L’Origine de la violence, de Fabrice Humbert : Un professeur de français entreprend avec sa classe un voyage scolaire à Buchenwald quand, dans le musée du camp de concentration, il se retrouve face à une photographie prise en 1942 où il croit reconnaître sur le visage d’un détenu les traits de son propre père. Il se lance alors dans une enquête sur l’histoire, les origines et la mort de ce sosie. Au fur et à mesure, des liens se tissent entre passé et présent, donnant un peu de sens à l’Histoire. De l’antisémitisme du début du vingtième siècle à la mise à mort barbare et insensée d’Ilan Halimi en 2006, les événements sont mis en relief et tentent de trouver une explication. Ce roman nous rappelle la nécessité de témoigner, de raconter, de ne pas oublier, car le passé finit toujours par ressurgir.
⊕ L’Autre – Le rapport de Brodeck, tome 1, de Manu Larcenet : Dans cette BD inspirée d’un roman de Philippe Claudel, les images en noir et blanc dessinent une intrigue complexe et lacunaire dans une atmosphère inquiétante. Un étranger a été assassiné dans un village perché dans les montagnes proches de l’Allemagne. Ses concitoyens vont demander au lettré Brodeck, rescapé d’un camp de concentration, de rédiger un rapport sur cet événement et ses causes. Les états d’âme de Brodeck succèdent aux souvenirs horrifiants de sa déportation alors que nous progressons lentement dans son enquête sur le meurtre de l’étranger… Je n’ai qu’une hâte : découvrir le tome 2 pour faire la lumière sur cette sordide histoire !
Et vous, quels ont été vos coups de cœur en octobre ?
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Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.
2 comments
la septième fonction du langage de Laurent Binet polar littéraire tendance méta-intello-feuilletonesque .
Au théâtre F Luchini , ce bouffon dévoreur gourmand des mots à la folle énergie qui emporte tout et tous…
Au cinéma, le documentaire de Tavernier, coup de coeur cinéphile, et moi, Daniel Blake coup au coeur tout court avec la plus émouvante scène que j’ai vu cette année….
Je ne suis pas allé au cinéma ce mois-ci et je ne savais d’ailleurs pas trop quoi aller voir. Je n’avais pas spécialement entendu parler des films que tu as vu, mais ce que tu dis de Daniel Blake me donne bien envie de me renseigner un peu !