Ah, Orphée aux Enfers ! Oubliez le mythe tragique du poète inconsolable qui va pleurnicher aux portes de l’Hadès. Jacques Offenbach prend la légende grecque, la secoue comme un cocktail explosif et en fait une satire irrésistible, pleine de quiproquos, de dieux capricieux et de musique endiablée. Cette semaine à l’Opéra National du Capitole, c’est Olivier Py qui est aux manettes pour mettre en scène ce grand divertissement. Habitué des lieux (Boris Godounov en 2023, La Gioconda en 2021 et Dialogues des Carmélites en 2019), il nous propose avec Orphée aux Enfers son spectacle le plus amusant.
Eurydice & Orphée aux Enfers : un couple infernal
Dès les premières notes, on comprend que ce n’est pas une histoire d’amour comme les autres. Orphée (Cyrille Dubois) et Eurydice (Marie Perbost) se détestent cordialement. Elle, volage et lassée des lamentations de son époux violoniste, tombe dans les bras d’Aristée (Mathias Vidal), qui n’est autre que Pluton déguisé. Hop ! Un petit accident bien arrangé, et voilà Eurydice expédiée en Enfer.
Orphée, loin d’être désespéré, aimerait bien qu’elle y reste. Mais l’Opinion publique (un personnage à part entière, bien plus sévère qu’un jury de The Voice, et ici incarné par Adriana Bignani Lesca) le force à aller la récupérer. Direction l’Olympe, où les dieux s’ennuient ferme et voient dans cette mission une occasion en or de s’amuser.
Un menu musical à tomber
Difficile de parler de Orphée aux Enfers sans évoquer ses morceaux cultes !
« Viens dans ce pavillon » : la douce mélodie où Pluton, sous son déguisement d’Aristée, séduit Eurydice avant de l’emmener en Enfer. « Aux armes, dieux et demi-dieux ! » : une scène hilarante où Jupiter et sa bande décident d’aller mettre un peu d’ambiance en Enfer. Et le célèbre Galop Infernal : vous ne le connaissez peut-être pas sous ce titre, mais dès les premières notes, vous penserez… Cancan ! Eh oui, c’est ce morceau effréné qui fait lever les jupes du Moulin Rouge depuis plus d’un siècle !
Ma préférence va quand même aux morceaux les plus burlesques : la chanson des baisers chantée par Cupidon (Julie Goussot) qui n’a rien à envier au célèbre tube Şımarık de Tarkan ; et le duo de la mouche, dans lequel Jupiter (Mars Scoffoni) est métamorphosé en diptère et bourdonne en rythme. Tordant !
Un final qui casse la baraque
Après moultes péripéties et transformations (Jupiter en mouche, Eurydice en prêtresse du plaisir…), tout ce joyeux bazar se conclut sur une pirouette : Orphée peut ramener Eurydice, mais il ne doit pas se retourner avant d’avoir franchi le seuil des Enfers. En profiteront-ils pour être définitivement débarrassés l’un de l’autre et rester en Enfer où la fête bat son plein ? Pour le savoir, il suffit de prendre votre billet et d’aller voir le spectacle.
Bref, Orphée aux Enfers, c’est du grand Offenbach : irrésistible, pétillant, et toujours aussi jubilatoire ! L’opéra bouffe reste à l’affiche jusqu’au 2 février et il reste encore quelques places.
Solidarité avec le chœur de l’Opéra de Toulon
Les représentations commencent par un message de solidarité avec le chœur de l’Opéra de Toulon, dont nous nous faisons le relais :
Les 21 chanteurs du choeur de l’Opéra de Toulon ont appris jeudi [23 janvier] qu’ils allaient tous être licenciés pour raison économique en juin [2025]. Les élus du personnel ont l’intention d’aller en justice pour contester cette décision.
À la fin du conseil d’administration de l’institution jeudi, « le directeur a pris la parole et a annoncé le licenciement du chœur » a rapporté Richard Garnier, l’un des chanteurs basse, également représentant du personnel. L’intégralité des chanteurs lyriques perdront ainsi leur travail à la fin du mois de juin, fin de la saison culturelle, ont alors appris les élus du personnel.
Si la direction de l’Opéra de Toulon invoque des raisons économiques, pour Richard Garnier cette décision émane surtout d’une volonté de « faire de l’opéra de Toulon un théâtre d’accueil », c’est-à-dire un lieu sans chœur permanent, faisant appel uniquement à des intermittents afin de réduire les coûts. Contactée par l’AFP, la métropole Toulon Provence Méditerranée, qui gère l’établissement, n’a pas voulu s’exprimer. La direction de l’opéra n’était, elle, pas disponible.
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Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.