Ce soir et demain soir encore, Othello de Shakespeare affiche complet au Théâtre de la Cité. À chaque représentation, le succès de la pièce – mise en scène par Jean-François Sivadier – est confirmé. Hier encore, ce fut encore une ovation pour cette version très étonnante du Maure de Venise.
Othello, encore ?
C’est la deuxième fois au cours de la saison 2022-2023 que la pièce Othello de Shakespeare est à l’affiche à Toulouse. En effet, le Grenier de Toulouse a présenté sa propre version de la tragédie en mars dernier dans la mise en scène de Laurent Collombert. Ce mois-ci, c’est au Théâtre de la Cité d’accueillir la pièce dans une autre traduction et une nouvelle mise en scène.
Pour ma part, je n’avais pas revu cette pièce depuis plus de vingt ans (en 2001 pour être précis). C’était déjà au Théâtre de la Cité et Dominique Pitoiset avait signé la mise en scène, avec Isabelle Carré dans le premier rôle féminin et Hervé Pierre dans celui d’Othello.
La fréquence avec laquelle la pièce est jouée prouve une chose : son sujet est intemporel et universel.
Othello n’est pas une grande pièce historique ou politique. Shakespeare abandonne le symbole, la métaphore, la métaphysique, le mélange des genres, la multiplication des intrigues. Il met en scène une tragédie domestique, presque un fait divers, avec lequel il parvient tout de même à convoquer le monde, tout en plaçant, comme à chaque fois, la question du théâtre au centre du plateau.
Jean-François Sivadier
L’histoire d’Othello tient effectivement en peu de mots et pourrait figurer dans la rubrique des faits divers. Amoureux fou de Desdémone, Othello va peu à peu être contaminé par le doute et la jalousie qui vont le dévorer.
Des acteurs incroyables
La force de cette nouvelle version de la pièce, c’est incontestablement sa distribution. Adama Diop incarne un Othello solaire, drôle et sensuel dont le magnétisme séduit autant la belle Desdémone que le public. Son conseiller Iago est quant à lui incarné par Nicolas Bouchaud qui livre-là une prestration époustouflante. Véritable joker aux deux visages, il devient le personnage central de la pièce. Tel un marionnettiste machiavélique, il manipule tous les autres personnages et nous montre toutes les ficelles de son jeu pervers. Une intelligence entièrement vouée à faire le mal dont les méthodes sont redoutables. Vous allez adorer le détester ! Vous vous surprendrez même à tomber dans les pièges dont il vous a pourtant révélé tous les secrets. Hey, I’m gonna get you too / Another one bites the dust !
Iago est le révélateur d’un monde, d’un système politique, social, économique […] qui se veut tolérant et qui, sous le masque de la tolérance, s’arrange pour que chacun reste à sa place (ici, en l’occurrence, les femmes et les étrangers), et que la société continue à fonctionner en s’appuyant sur les rapports de pouvoir. Dans Othello, la place de chacun est déterminée par le regard des autres. Je pense à cette phrase de Bond qui pourrait être le sujet central de la pièce : « l’affaire des êtres humains n’est pas tant de savoir qui ils sont, mais où ils sont. »
Jean-François Sivadier
Et vous, avez-vous vu cet Othello ? Qu’en avez-vous pensé ?
Photo de couverture © Jean-Louis Fernandez (au centre, Adama Diop / Othello ; à gauche Stephen Butel / Cassio ; à droite, Nicolas Bouchaud / Iago)
Qui a écrit cet article ?
Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.
3 comments
J’ai adoré aussi ! Je te rejoins tout à fait. J’ai été séduite par le rythme et l’interpretation juste des comediens. Et cette intrigue en effet intemporelle qui nous tient en haleine au point de nous faire PRESQUE oublier l’inconfort des strapontins du Théatre de la Cité ( ne plus jamais réserver de tels sièges pour une pièce de plus de 2h 😉 ).
Oui, les strapontins, ça va bien pour une pièce d’une heure 30. Au-delà, c’est quand même très inconfortable. Ou alors il faut avoir un voisin de siège avec qui échanger sa place à l’entracte :p (suivez mon regard)
Tout à fait d’accord avec toi, les 3h passent nickel! J’avais peur avant d’y aller des longs monologues propres à shakespeare mais quel rythme dans la pièce! Très innovant! La mise en scène “décalée ” et toutes les références à la pop culture récente sont très subtilement dosées!