Cette semaine et jusqu’à dimanche, le Brésil investit le théâtre Garonne avec Encantado, une pièce chorégraphiée par Lia Rodigues. La compagnie sud-américaine est invitée dans le cadre du festival de danse Ici & Là qui se déroule actuellement dans toute l’agglomération toulousaine. J’ai assisté hier à la première, ovationnée par le public totalement conquis. Comme les représentations de ce soir et demain ont vite affiché complet, une date supplémentaire a été ajoutée dimanche 5 février à 16h.
Encantado, hommage à la nation Yanomami
Les encantados sont des créatures légendaires, des elfes, des êtres animés par les forces de la nature qui parcourent le monde, sont des passerelles entre morts et vivants et transforment les territoires par lesquels ils passent en lieux sacrés. Inspirée par cette magie créatrice, Lia Rodrigues a voulu insuffler le souffle des encantados à sa danse. La dizaine de danseurs présents sur scène, comme dans une transe communicative, fait renaître le monde sous nos yeux.
Mais la pièce n’est pas qu’une fable. Ces forces de la nature qui infusent tout le spectacle sont bien sûr au cœur des préoccupations les plus concrètes du monde contemporain. D’ailleurs, les représentations d’Encantado sont dédiées à la nation Yanomami, peuple d’Amazonie aujourd’hui en péril.
Les Yanomami sont un peuple indigène qui vit au Nord du Brésil. Une catastrophe humanitaire les frappe actuellement dans l’indifférence internationale la plus totale (malnutrition, pneumonie, paludisme, dépossession de leur territoire…). À travers son spectacle, Lia Rodrigues tente de leur rendre hommage et de leur prêter une voix pour faire entendre leur détresse.
Cela peut sembler très loin pour vous qui vivez si loin de l’Amazonie. Mais la tragédie qui frappe les Yanomami nous touche ici et maintenant. Les Yanomami pendant des siècles avec leurs sagesses et leurs modes de vie ont permis l’équilibre de l’environnement nécessaire à la survie de la planète. Le problème de l’Amazonie et des peuples indigènes est notre problème à tous car en Amazonie se joue une grande partie de l’avenir de l’humanité.
Lia Rodrigues
Le spectacle plein de vie raisonne bien sûr différemment quand on a l’esprit la détresse de ceux qui portent la culture des encantados.
La détresse et la vie
Plus qu’une pièce, on a la sensation tout au long de ce spectacle d’assister à des rituels. Dans le mélange des tissus multicolores qui jonchent la scène se dessinent en filigrane les souvenirs de grandes fêtes, comme la Holi des Indiens (la célèbre fête des couleurs) ou les danses tribales de la culture africaine. Dans un tumulte ininterrompu de chants traditionnels entêtants, les danseurs se métamorphosent en permanence et transforment la scène. Images chamarrées, postures et visages expressifs, saccades et ondulations, Encantado est un kaléidoscope en perpétuel mouvement.
Ne manquez pas d’aller voir cette pièce au Théâtre Garonne, coréalisée avec La Place de la Danse. Il y a encore des places à prendre pour la représentation de dimanche !
Crédit photo : © Sammi Landweer
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Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.