Peste et Choléra : voilà un bouquin que l’on m’a recommandé et vers lequel je ne me serais probablement pas dirigé par moi-même. Or, le roman de Patrick Deville, Prix Femina en 2012, m’a totalement captivé !
En fait, il s’agit moins d’un roman que d’une biographie : celle d’Alexandre Yersin. Je ne connaissais pas ce médecin, bactériologiste et explorateur qui fut pourtant le découvreur du bacille de la peste et l’inventeur de son premier traitement. Mais fuyant toujours les honneurs et la lumière, exilé au Viêt-Nam tel un ermite, il n’atteignit pas en France la notoriété de Louis Pasteur (dont il fut un disciple) ni des autres grands hommes du vingtième siècle et il ne reçut jamais le prix Nobel, unique exception parmi ses confères.
Yersin n’est pas un homme de Plutarque. Il n’a jamais voulu agir dans l’Histoire. A la différence des Vies que celui-ci met en parallèle, celles des traitres et des héros, celle-là de Yersin n’offre aucun exemple à fuir ou à reproduire, aucune conduite à suivre : un homme essaie de mener son embarcation en solitaire et la mène plutôt bien. Derrière lui, la mer efface son sillage.
Au-delà de la vie de Yersin, c’est tout un portrait du monde de 1863 à 1943 que dessine ce roman, du Second Empire à la Seconde Guerre mondiale. On assiste au détour des épisodes de sa vie à l’érection de la Tour Eiffel, aux deux Guerres mondiales et aux grandes découvertes. De nombreuses anecdotes ponctuent ce récit : par exemple, cet hurluberlu de Yersin avait inventé une mixture à base de Kola et de Cannelle pour soulager ses malades, le Ko-ca. Il n’a jamais fait breveter cette invention, qui aurait pu le rendre millionnaire !
Et puis, autour de cette vie d’ermite, errent les ombres d’autres voyageurs explorateurs, en particulier celle de Rimbaud. Au rythme de la vie de Yersin, Patrick Deville nous fait suivre les pérégrinations du poète marginal devenu trafiquant, et le romancier se prête même à quelques jeux de mots pour les lecteurs attentifs, comme lorsqu’il écrit à propos de l’année 1917 : « Le siècle a dix-sept ans et c’est déjà un sérieux voyou. »
Si vous n’avez pas encore lu Peste et Choléra, je vous le recommande vivement pour son récit passionnant mais aussi son style très émouvant !
Avez-vous déjà lu des romans de Patrick Deville ? Lequel conseilleriez-vous de lire ensuite ?
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Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.