Lorsque j’ai appris la sortie sur nos écrans de Premier contact de Denis Villeneuve, en grand fan de SF, je me suis précipité au cinéma. La SF est un genre que j’adore, à mon avis l’un de ceux qui nous fait le plus rêver mais aussi le mieux réfléchir. Avec de surcroît Denis Villeneuve (Incendies, Prisoners, Enemy…) aux manettes, c’était la promesse d’un bon moment de cinéma.
Le scénario, aux premiers abords, n’est pas d’une grande originalité, puisqu’il nous narre la première visite des extraterrestres sur Terre, ce qui est le point de départ de nombreux films du genre. Là, deux cas de figures se présentent : l’affrontement (La guerre des mondes…) ou le dialogue (Contact, 2010, l’année du premier contact…). Le titre français choisi pour le film de Denis Villeneuve place immédiatement son récit dans la deuxième catégorie.
L’originalité du film tient surtout au choix de son héroïne. Alors que la tradition veut que les protagonistes de ces films soient des Marines ou des scientifiques, Villeneuve a choisi de mettre en scène… une linguiste ! Eh oui, en présence de ces étranges visiteurs, la problématique qui se pose est comment comprendre leur langage ou leur faire comprendre le nôtre, quand on n’a aucune base commune ? Et pour le coup, pas de pierre de Rosette pour nous mâcher le travail ! A aucun moment le film ne s’attarde sur des questions purement factuelles (quelle est leur race, comment voyagent-ils, quelle est leur technologie, etc. ?). Ce sont seulement le langage, la pensée et la communication qui sont au cœur de ce récit, et c’est très bien comme ça.
Au casting, on trouve Amy Adams qui prête ses traits au personnage de Louise, une spécialiste des signes et des dialectes à travers le monde. A travers ses échanges avec les extraterrestres mais aussi les équipes de scientifiques avec qui elle collabore, le film nous explique peu à peu comment la structure même d’une langue, quelle qu’elle soit, conditionne une pensée, un rapport au monde, et borne notre esprit (on n’est pas loin de 1984 et de ses réflexions sur la novlangue). Ainsi, un Asiatique n’aura pas le même rapport au monde qu’un Européen ou un Aborigène… alors comment appréhender la pensée de créatures qui viennent du fond de l’univers ? Le débat est passionnant (quoique peu propice à l’action).
Ces extraterrestres, justement, parlons-en ! Belle réussite. La manière dont ils sont représentés rappellera à certains leurs meilleures heures de lecture de Wells ou Lovecraft (ah ! les Anciens !…). De leur langage à leurs motivations en passant par leur forme, tout a été pensé pour les rendre à la fois étrangement inquiétants et terriblement touchants… Le film oscille sans cesse entre la crainte et l’émotion, une rare prouesse dans ce genre de film.
Enfin, le dernier axe de réflexion de ce film concerne le Temps. C’est son aspect le plus profond et le plus touchant. Il est difficile de vous en parler ici sans vous révéler le fond de l’intrigue, alors je vais rester évasif… Il pose néanmoins la question du sens que vous donnez à votre vie et à vos actes. Comment prendre une décision importante à l’instant présent, quand on possède la connaissance de toutes les conséquences, bonnes et mauvaises ? C’est finalement le vrai enjeu pour notre héroïne, qui derrière des questionnements linguistiques devra surtout se confronter à des choix existentiels !
En bref, ce film est une belle réussite ! Je n’ai pour l’instant jamais été déçu par Denis Villeneuve, qui décidément parvient à faire de beaux films quel que soit le genre qu’il explore : le film de guerre, le drame psychologique, la SF… J’ai ouï-dire que la suite redoutée de Blade Runner lui avait été confiée et que sa sortie est prévue pour 2017 ! Après avoir vu Premier contact, on est pour sûr beaucoup moins inquiets !
Qui a écrit cet article ?
Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.