L’oeuvre de Marcel Proust est-elle adaptable en BD ? La question mérite d’être posée, car en ce qui concerne le cinéma, on sait que beaucoup ont tenté ce projet sans y parvenir. Et pour cause : le roman de Proust est très réflexif, ce qui est difficile à transposer. Les cinéastes ont souvent préféré se concentrer sur la dimension narrative d’A la recherche du temps perdu, au détriment des réflexions du narrateur qui font pourtant tout l’intérêt de l’oeuvre originale.
Stéphane Heuet a tenté un entre-deux avec l’adaptation en bande-dessinée : les phylactères permettent de conserver le caractère littéraire de Proust (et son style !) tandis que les dessins donnent une vision graphique de l’histoire et des personnages.
Je me suis donc plongé dans Nom de pays : le nom, qui est la dernière partie du Côté de chez Swann (le premier tome de la Recherche). Ce fut assez drôle pour moi de revenir à l’un des premiers chapitres du roman alors que j’ai récemment fini de lire Le Temps retrouvé… Mais comme le fait d’avoir achevé la Recherche m’avait rendu un tantinet nostalgique, j’ai été ravi d’y replonger aussitôt sous une nouvelle forme : la BD.
Tout d’abord, on trouve à l’intérieur de la couverture une carte de Paris, un outil extrêmement pratique pour se repérer dans le Paris de Proust. Stéphane Heuet y a situé avec exactitude les lieux emblématiques de l’action de la Recherche : les domiciles des personnages (le narrateur, bien sûr, mais aussi Swann, Odette, ou encore les Verdurin) mais aussi les lieux récurrents comme l’Allée de Longchamp du Bois de Boulogne, le Chalet des Îles ou bien la Maison Dorée.
Le récit est parfaitement bien reconstitué et les dessins sont très fidèles à l’imaginaire que l’on se fait du Paris du début du vingtième siècle. Je dois avouer que le graphisme m’a d’abord paru un peu suranné, me rappelant le style de certains livres d’école de mon enfance… mais finalement, ce petit côté rétro n’est-il pas aussi ce qui fait l’esprit de la Recherche ?
Un dossier de 18 pages est également ajouté à la fin de la BD, permettant d’expliquer les références aux autres tomes de l’oeuvre (car oui, il faut beaucoup de mémoire pour lire A la recherche du temps perdu) et une galerie de portraits de tous les personnages essentiels. Une excellente idée pour aider le lecteur à s’y retrouver, et c’est très efficace.
En bref, la lecture de cette bande-dessinée ne saurait remplacer celle du roman. Mais c’est un petit plus vraiment sympa pour ceux qui aiment la Recherche, et il faut saluer le talent de l’adaptateur qui s’est lancé dans une entreprise qui était une véritable gageure.
Et vous, avez-vous déjà tenté de lire une adaptation BD d’un roman que vous aviez aimé ? Que pensez-vous de ce type d’adaptation ?
Si vous voulez découvrir une autre adaptation de roman en BD, nous vous conseillons aussi celle du Rapport de Brodeck par Manu Larcenet, ça envoie du pâté !
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Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.