Plus que quelques soirs pour aller applaudir au Théâtre de la Cité la troupe éphémère de l’AtelierCité dans Le Tartuffe de Molière, mis en scène par Guillaume Séverac-Schmitz. Huit jeunes comédiennes et comédiens se donnent la réplique dans cette pièce sulfureuse où une famille tombe sous la coupe d’un scélérat.
Le Tartuffe, qu’es aquò ?
Je récapitule pour les deux du fond qui n’ont pas suivi leur cours de français au lycée : Monsieur Orgon et sa mère Madame Pernelle sont sous l’emprise totale d’un religieux, Tartuffe, qui est devenu leur maître à penser. Sous son influence, ils vont tenter de réformer les mœurs du reste de la famille et tout lui sacrifier. Bien que la scélératesse du faux-dévot soit patente pour les autres habitants de la maison, rien ne peut désillusionner Orgon et Madame Pernelle.
Dans sa première version, la pièce s’achevait sur le triomphe de l’hypocrite qui dépossédait Orgon de ses biens et détruisait toute sa famille. Puis quelques années plus tard, la pièce est devenue une comédie plus policée avec son happy-end incontournable, quoique peu vraisemblable.
Une version pour ados
La mise en scène de Guillaume Séverac-Schmitz plaît beaucoup aux ados. Ceux avec qui j’ai vu la pièce l’ont littéralement adorée. Musique punchy pour ouvrir le spectacles, costumes contemporains, images fortes (Tartuffe à mi-chemin entre le fanatique et le masochiste), interprètes jeunes… C’est rythmé, ça claque, ça n’y va pas avec le dos de la cuillère. Certains acteurs sont très convaincants, d’autres surjouent un peu (mais on leur pardonne, cela sied avec la comédie, quitte à la faire pencher parfois vers le boulevard).
Ce qui m’a manqué en revanche, c’est l’ambiguïté. Je m’explique : dans le texte de Molière, Tartuffe est un scélérat. C’est un fait. C’est écrit. Le rôle du metteur en scène n’est-il pas de creuser au-delà des apparences ? Pourquoi cet homme agit-il de la sorte ? Pourquoi Orgon et Madame Pernelle se laissent-ils manipuler ainsi ? Quelles blessures sont à l’origine de tant de dysfonctionnements dans leur famille ?
Guillaume Séverac-Schmitz nous donne une vision très littérale de la pièce et de ses enjeux (sans véritable contre-sens) mais ne s’embarrasse pas de tout le sous-texte auquel, pourtant, la pièce doit tout son intérêt.
J’ai particulièrement été dérouté par Elmire (l’un de mes personnages préférés du théâtre classique). Il s’agit la deuxième femme d’Orgon dont Tartuffe est épris (sincèrement ou pas, je n’ai pas bien compris là non plus le projet de Séverac-Schmitz). La servante Dorine nous décrit sa maîtresse au début de la pièce comme une femme malheureuse, qui ne se nourrit plus, ne dort plus et que les médecins ont saignée… Or, lorsqu’Elmire entre en jeu à l’acte suivant, elle ne porte aucune trace de ces symptômes. Comment s’est-elle requinquée ? Le personnage ne semble exister que dans l’instant présent et avoir été totalement dépouillé de ce qui faisait justement son épaisseur… L’actrice n’est pas mauvaise, pourtant (bien au contraire). Mais comme le reste de la pièce, il manque tout un background.
La comédie a déjà été jouée l’été dernier et a connu un franc succès qui se confirme à nouveau aujourd’hui. Si vous voulez redécouvrir ce classique dans une version pop et pleine d’énergie, rendez-vous au Théâtre de la Cité où elle est jouée jusqu’au 19 décembre (à 20 heures vendredi, 18 heures samedi et 16 heures dimanche).
Crédit photo : © Erik Damiano
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Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.