Je vous parlais il y a un mois du premier tome du Rapport de Brodeck, la bande-dessinée adaptée du roman de Philippe Claudel. Dans ce premier volume, nous découvrions les habitants d’une bourgade montagnarde de l’Est de la France, hantée par les fantômes de l’occupation allemande et par l’expérience concentrationnaire. Au cœur de ce récit, un crime, le meurtre d’un étranger, l’Anderer… et une mission pour le citoyen Brodeck : raconter les causes et les circonstances de cet événement.
Le premier volume nous laissait sur notre faim, avec le geste de Brodeck poussant la porte de la chambre dans laquelle le meurtre avait été commis… Qu’allait-il découvrir derrière ? Allait-il pouvoir mettre du sens et de l’ordre à son rapport ? Le volume 2, L’indicible, nous révèle les épouvantables circonstances du crime et précise les portraits des villageois, au propre comme au figuré.
Les anecdotes qui jalonnent ce récit lacunaire nous éclairent peu à peu. On oscille sans cesse entre les aspects trop ordinaires d’une vie de village, et l’horreur dans son expression la plus crue. L’ambiance de ce deuxième volume est sombre et glaciale, ce que reflètent bien les dessins en noir et blanc de Manu Larcenet. Sur de grandes pages sans bulle, les paysages s’étalent à n’en plus finir et nous absorbent par leur beauté.
Tragédie ordinaire du vingtième siècle, Le Rapport de Brodeck nous invite surtout à faire notre examen de conscience. Comment réagir quand notre groupe est en danger ? Comment pardonner quand on a été trahi ? Comment accepter le regard neuf et lucide qu’un étranger porte sur nous ?
Presque dix ans après le roman de l’écrivain lorrain Philippe Claudel, Manu Larcenet a donné une nouvelle vie à ce récit captivant, enrichi de références à Cézanne, Van Gogh, le Caravage, Pissaro et Rembrandt à qui le dessinateur rend hommage dans ses dernières pages.
Et vous, avez-vous lu Le Rapport de Brodeck, dans sa version romanesque ou dessinée ? Qu’en avez-vous pensé ?
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Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.