Il y a quatre-vingts ans, le résistant Raymond Naves disparaissait à Auschwitz, victime de la barbarie nazie. Arrêté à Toulouse le 24 février 1944, il fit partie d’un convoi de déportés après son incarcération à la prison Saint-Michel et sa détention à Compiègne. Enregistré à Auschwitz comme détenu politique, la date exacte de sa disparition n’est pas connue mais plusieurs témoignages nous permettent de savoir avec certitude que celle-ci eut lieu en mai.
À l’occasion de ce triste anniversaire, j’ai donc lu Raymond Naves, un humaniste en résistance, une biographie signée Pierre Petremann, professeur d’histoire qui travailla plusieurs année dans un lycée toulousain qui porte le nom du résistant.
Raymond Naves, résistant toulousain
La ville de Toulouse a gardé la mémoire de nombreux héros de la résistance. Marcel Langer et François Verdier font partie des résistants les plus connus de la population de la ville rose. Raymond Naves, en revanche, est moins présent dans la mémoire locale (bien qu’il y ait une avenue qui porte son nom près du Château de l’Hers, ainsi qu’un établissement scolaire dans le quartier Croix-Daurade).
Dans sa biographie, Pierre Petremann fait donc le portrait de cette figure importante de la résistance toulousaine à travers un portrait séquencé en chapitres thématiques plutôt que chronologiques. On y découvre le Raymond Naves professeur, le syndicaliste, le socialiste, l’européiste… autant de facettes qui ont un point commun : l’humanisme de cet intellectuel engagé et altruiste.
Mon père était un pacifiste. Homme aux idées très arrêtées mais d’une grande honnêteté intellectuelle. Il ne transigeait jamais mais était très agréable à vivre, nous plaisantions souvent ensemble. Énorme travailleur, toujours occupé par ses activités nombreuses et recevant beaucoup de monde. Ce n’était pas un professeur permanent mais il était profondément professeur, aimant à transmettre le savoir. Il n’était pas croyant, s’intéressait à la religion, c’était un esprit très ouvert. Très lié avec ses étudiants, ne mélangeait jamais la politique et le travail universitaire. Il était certain que rien ne pouvait lui arriver à l’Université, c’est pourquoi, par respect pour sa profession, il refusa de partir en janvier 1944, il voulait finir son cours d’agrégation sur Proust.
Francis Naves, fils de Raymond Naves, cité par Pierre Petremann (Raymond Naves, un humaniste en résistance, page 16)
Un humanisme à toute épreuve
Le fait que Raymond Naves ait consacré une partie de sa carrière à l’étude des œuvres de Voltaire et au siècle des Lumières n’est guère étonnant. Le professeur avait de grandes affinités avec le philosophe du XVIIIe siècle et trouvait certainement de nombreux points communs entre l’intolérance contre laquelle Voltaire s’est toujours battu et l’obscurantisme grandissant dans l’Europe des années 1930.
Je n’ai jamais pensé pouvoir accepter le régime de Vichy. L’engagement dans la Résistance ne correspondait pas à un acte de raison mais à un acte de nécessité.
Vladimir Jankélévitch, cité par Pierre Petremann (Raymond Naves, un humaniste en résistance, page 148)
Citoyen engagé ayant pris part à tous les combats sociaux et politiques de son époque et ayant soutenu la République espagnole, Raymond Naves n’a jamais tourné le dos à ses valeurs. Avec cette biographie, Pierre Petremann (qui est aussi membre de l’Association des Amis du Musée de la Résistance et de la Déportation de Toulouse) rend un bel hommage à ce Toulousain et à sa mémoire. Tout au long du mois de mai 2024, il est revenu au lycée qui porte le nom de ce résistant pour donner des conférences auprès des élèves et leur faire connaître le parcours de ce grand homme.
Je suis un homme moyen, sans genre particulier. J’ai simplement des ressources matérielles modérées mais suffisantes, il faudrait donner à tous les hommes, d’une façon permanente, des ressources analogues, sans qu’ils puissent ni les perdre, ni les grossir. À ce moment-là, vous verrez que l’Esprit leur parlera à leur tour.
Raymond Naves, Dialogues essentiels (cité par cité par Pierre Petremann dans Raymond Naves, un humaniste en résistance, page 89)
Sur les murs du lycée Raymond-Naves, ce sont également des poèmes extraits de son recueil Vivaces qui sont désormais affichés en très grand format, pour rappeler à chacun que derrière le résistant et le professeur se trouvait également un poète. Certains de ces poèmes seront lus le 23 mai par des élèves lors d’une présentation publique.
Espérons que la municipalité, le département et la région toulousaine sauront à leur tour rendre un hommage digne à Raymond Naves dans les semaines à venir pour ce funeste anniversaire. Quant à moi, je vous recommande la lecture de cette biographie pour que la mémoire de Raymond Naves, elle aussi, reste vivace.
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Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.