En 2017, je vous parlais déjà du ballet de Roméo et Juliette : la chorégraphie de Preljocaj et la scénographie d’Enki Bilal étaient déjà entrées dans l’Histoire à l’époque. Lorsque j’ai vu que le ballet était remonté dans une nouvelle chorégraphie au Théâtre du Capitole, j’ai tout de suite eu envie de voir de quoi il retournait. Ce qui m’a surtout motivé, c’est de voir que la scénographie était signée Ernest Pignon-Ernest, artiste plasticien français que j’adore depuis des années !
Jean-Christophe Maillot s’empare de Roméo et Juliette
Cette nouvelle version de Roméo et Juliette fait la part belle à un personnage qui passe parfois pour secondaire : le Frère Laurent. Fil rouge du ballet, c’est à travers son regard que l’on suit toute la tragédie. La danse de Rouslan Savdenov – qui incarne ce religieux – évoque la souffrance d’un être torturé, comme si dans ses mouvements il luttait ou cherchait l’expiation. J’ai particulièrement aimé un instant fugace où, dans un changement de décor, il semble s’accrocher à celui-ci pour empêcher la tragédie d’avancer et de se rapprocher de son terme fatal…
La vision de Jean-Christophe Maillot est assez classique néanmoins. La chorégraphie générale s’apparente surtout à une grande pantomime figurative, donnant souvent l’impression d’assister à du théâtre dansé. Une scène de rixe entre Montaigu et Capulet à l’acte II (fatale à Tybalt et Mercutio) est particulièrement réussie, transformant la scène en véritable tableau de maître, évoquant par ses corps étirés les personnages d’une toile de Jacques-Louis David. Jean-Christophe Maillot a le don pour créer des images que l’on retient.
Les talentueux danseurs du Ballet du Capitole
C’est toujours un plaisir de retrouver les danseurs du ballet du Capitole dans une nouvelle création. Pour Roméo et Juliette, quatre maîtres de ballet des Ballets de Monte-Carlo sont venus transmettre la chorégraphie de Jean-Christophe Maillot, que les danseurs du Capitole se sont appropriée en quelques semaines avec brio !
Le ballet du Capitole m’avait subjugué en fin de saison dernière avec le magistral Daphnis et Chloé. C’est la sublime Natalia de Froberville – ancienne Chloé – qui reprend aujourd’hui le rôle de Juliette. Elle forme avec Minoru Kaneko (Roméo) un duo romantique et grâcieux. Alexandre De Oliveira Ferreira, magnétique dans le rôle de Pan, est très convaincant dans celui de Tybalt. Enfin, Ramiro Gómez Samón, que j’avais adoré en Daphnis, est un Mercutio à l’énergie débordante !
Par son ampleur (2h15) et le caractère dramatique de la musique de Prokofiev, ce ballet s’apparente presque à un opéra. Le décor qu’a imaginé Ernest Pignon-Ernest est comme une grande page blanche abstraite et c’est finalement un très bon choix, car comme la chorégraphie est déjà très figurative, cela évite au spectacle dans son ensemble de verser dans le kitsch ou le grotesque. Le minimalisme du décor met particulièrement en valeur les corps des danseurs, eux-mêmes vêtus de costumes aux couleurs épurées : le blanc des Montaigu, le noir et le gris des Capulet.
Pour découvrir cette nouvelle version de Roméo et Juliette, rendez-vous au Théâtre du Capitole dans les jours prochains. Le spectacle sera présenté à 20h ce soir encore, puis les 2 et 3 novembre. Une représentation est également prévue en après-midi demain (samedi 30 octobre) à 15h.
Photo de couverture © David Herrero
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Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.