Mesdames, messieurs et les autres, sortez vos grands mouchoirs avant d’aller au cinéma voir Sans jamais nous connaître. Cela faisait quelques temps que je n’avais pas vu un film qui m’avait autant emballé et ému. Précédemment, il y a eu The Whale de Darren Aronofsky (en 2023) et avant ça je pense qu’il faut remonter à 2017 et le magnifique Moonlight. Avec Sans jamais nous connaître, Andrew Haigh adapte et sublime le roman Strangers de Taichi Yamada, paru en 1987.
Sans jamais nous connaître, film romantique et mélancolique
Difficile de mettre Sans jamais nous connaître dans une case générique. Pas vraiment une comédie romantique, ni un film de fantaisie – même si Google classe le film dans ces deux catégories à la fois… Le métrage nous invite à suivre son héros, Adam, écrivain qui trouve l’inspiration et la matière d’un nouveau scénario dans ses souvenirs d’enfance et ses blessures non cicatrisées.
Le ton est donné dès les premières minutes : Adam vit seul dans un appartement situé en haut d’une grande tour d’immeuble inoccupée (qui n’est pas sans évoquer Buffet froid). Le seul autre appartement habité se trouve au sixième étage où réside Harry, avec qui Adam va apprendre à faire connaissance. Au gré des rencontres, les deux hommes apprennent peu à peu à s’apprivoiser et à panser leurs blessures.
Alors que Call me by your name m’avait passablement laissé sur ma faim (et m’avait semblé un peu fat), j’ai enfin eu l’impression de voir un film qui disait quelque chose de vrai et sincère sur les émotions, la découverte de l’autre et l’acceptation de soi, dans lequel l’esthétique raconte autant de choses que le récit et les dialogues. Bref, tous les ingrédients que j’attends d’un film digne de ce nom…
Un casting 5 étoiles
Le film est sublime sur le plan visuel. Les scènes sont longues, aussi bien lorsqu’elles sont muettes que lorsqu’il y a des dialogues. Chaque séquence prend le temps de s’installer, de créer une ambiance, aussi bien par les couleurs que par la bande son que j’ai trouvée magnifique. En général, je n’aime pas trop quand un film comporte beaucoup de tubes déjà existants. Je trouve le procédé paresseux. Pourtant, ici, le choix de la BO est terriblement nostalgique et fonctionne à chaque fois. Peu à peu, les années 80 ressuscitent pour Adam et pour nous.
Le film, qui dure 1h45, est porté par seulement 4 acteurs : Andrew Scott (Adam), Paul Mescal (Harry), Jamie Bell (le père) et Claire Foy (la mère). Ils sont exceptionnels dans chacune des scènes où ils apparaissent, en particulier Andrew Scott qui lie tous les protagonistes entre eux.
J’avais découvert Andrew Scott il y a quelques années avec la série Sherlock où il m’avait déjà convaincu dans le rôle de Moriarty. C’est la première fois que je le vois dans un premier rôle de long-métrage et clairement, il crève l’écran. Il n’est jamais dans la performance, son jeu est presque minimaliste. Exactement le genre de jeu qui me va droit au cœur.
Ses trois partenaires de jeu le suivent dans ce registre, ce qui donne des scènes à la fois intimes et puissantes, criantes de vérité.
Une génération LGBT mise à nu
Les dialogues entre le fils et ses parents sont les scènes les plus bouleversantes du film. Ayant grandi dans les années 80, le protagoniste a vécu l’évolution de la société et la manière dont elle a considéré les personnes LGBT, de la stigmatisation à la normalisation. Si vous faites partie de cette génération, vous comprendrez chacun des mots prononcés dans les dialogues avec la mère et avec le père. Pas avec votre cerveau. Avec votre cœur.
J’imagine que les parents de cette génération de gays aura aussi le cœur serré en entendant le message qu’Adam a à leur délivrer.
J’avais envie de m’inspirer de mon propre passé, un peu comme le personnage d’Adam le fait dans le film. Ce qui m’intéressait, c’était de fouiller la complexité de l’amour familial et des relations amoureuses, mais aussi le vécu d’une génération bien particulière d’homosexuels qui a grandi dans les années 80. Je souhaitais m’éloigner du récit fantomatique du livre [dont le film est adapté], et aborder des enjeux plus psychologiques, quasi métaphysiques.
Andrew Haigh
Je ne sais pas encore quels films marqueront mon année de cinéphile en 2024, mais pas de doute, au moment du bilan Sans jamais nous connaître figurera dans le top traditionnel de fin d’année. Sa BO va également intégrer directement ma playlist et je pense prochainement lire Strangers de Taichi Yamada et voir Les désincarnés, autre adaptation ciné du roman que l’on doit au japonais Nobuhiko Ōbayashi en 1988.
Et vous, avez-vous Sans jamais nous connaître ? Avez-vous succombé à sa tendresse et à sa beauté ?
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Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.
2 comments
Ça donne très envie ! Tant pour le fond que pour la forme
Alors j’ai hâte d’en parler avec toi et de savoir ce que tu en auras pensé à travers ta sensibilité et ton vécu !