Home À lire Sérotonine, Michel Houellebecq [CRITIQUE]

Sérotonine, Michel Houellebecq [CRITIQUE]

by Allychachoo
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Michel Houellebecq. Grand auteur français contemporain, et pour autant si Julien a déjà eu l’occasion de vous parler de lui sur le blog, je ne me suis pas trop approchée de cet auteur. J’ai lu un de ses romans il y a très longtemps (lequel était-ce ? Peut-être Les particules élémentaires ?) et j’en gardais un vague souvenir mitigé. Pour autant, cet écrivain étant quand même très médiatisé, forcément j’en ai beaucoup entendu parler depuis et ce que j’en entendais ne me donnait pas trop envie. Mais vous savez, j’aime me faire un avis par moi-même donc quand mes grands-parents m’ont prêté Sérotonine je me suis dit que c’était l’occasion de juger sur pièce.

Sérotonine donc. Le narrateur, Florent-Claude Labrouste, est dépressif. Une dépression profonde qui l’amène à vouloir quitter sa vie qui ne lui apporte plus aucune satisfaction, son travail d’ingénieur agronome au sein du ministère de l’agriculture, sa jeune compagne japonaise avec qui il ne couche même plus, son appartement en haut d’un gratte-ciel, sa vie d’homme dont les parents ne sont plus. Une “disparition” de sa propre vie qui va le conduire à revenir sur ses anciennes amours, à retrouver un ami oublié, à chercher le souffle de vie minimal dans un cachet de Captorix prescrit par un drôle de médecin. 

Et maintenant j’en étais là, homme occidental dans le milieu de son âge, à l’abri du besoin pour quelques années, sans proches ni amis, dénué de projets personnels comme d’intérêts véritables, profondément déçu par sa vie professionnelle antérieure, ayant connu sur le plan sentimental des expériences variées mais qui avaient eu pour point commun de s’interrompre, dénué au fond de raisons de vivre comme de raisons de mourir.

Michel Houellebecq, Sérotonine

Au bout d’une vingtaine de pages j’ai commencé à tirer la gueule et à me dire que c’était mal parti… Tout le cliché que j’avais en tête à propos de Michel Houellebecq était là. Je me retrouvais face à ce narrateur peu agréable, narrateur qu’on a d’ailleurs bien du mal à dissocier de l’image médiatique de l’auteur. Homme blanc autocentré, pornographie crue et inutile en veux-tu en voilà, relents xénophobes et homophobes, avalanches de noms de marques… Halte là, tout y est, si comme moi vous avez ce genre d’image assez abrupte de Michel Houellebecq via les médias vous ne serez pas déçus. Le roman n’est pas très long, 347 pages, donc je voulais absolument aller au bout mais clairement je m’apprêtais à souffrir tout du long…

J’ai persévéré et là, le récit se transforme. A croire qu’après avoir donné de lui ce qu’on attend de plus caricatural dans les premières pages, Michel Houellebecq arrive enfin à s’en détacher et à faire de Sérotonine bien plus qu’un cliché de lui-même. Bon, il reste quelques résurgences quand même, je ne comprendrais jamais ce besoin de caser de la pornographie la plus gore à tout moment sans que cela n’apporte aucun élément au récit, mais heureusement tout cet aspect-là passe au second plan et ne devient qu’anecdotique. La vision de cet ingénieur agronome sur une France dont l’agriculture se meurt prend corps et donne toute sa force à l’histoire, en l’imbriquant dans le ressassement douloureux des amours passées de Florent-Claude. Le personnage d’Aymeric notamment, agriculteur au sombre destin, m’a particulièrement fasciné. Michel Houellebecq en fait en peu de phrases un symbole du déclin paysan qui, s’il est un peu cliché, n’en reste pas moins poignant. Et au fur et à mesure que Florent-Claude s’enfonce dans sa dépression et se livre, au-delà de ses soucis de libido, on découvre une plume presque romantique qui rend ce récit particulièrement sensible. Un drôle de mélange donc.

Je maintenais le désespoir à un niveau acceptable, on peut vivre en étant désespéré, et même la plupart des gens vivent comme ça, de temps en temps quand même ils se demandent s’ils peuvent se laisser aller à une bouffée d’espoir, enfin ils se posent la question, avant d’y répondre par la négative. Cependant ils persistent, et il s’agit là d’un spectacle touchant.

Michel Houellebecq, Sérotonine

Sérotonine aura donc éveillé ma curiosité pour cet écrivain singulier qu’est Michel Houellebecq. Je reste totalement partagée sur ce livre. Entre sa trivialité politiquement incorrecte qui m’exaspère plus qu’elle ne me fait réfléchir, son écriture qui est capable de basculer dans l’émotion la plus pure juste après une description détaillée des pires perversions sexuelles, sa capacité à décrire un monde qui se perd, son cynisme sur la question de la vie et l’impossibilité du bonheur… J’ai refermé cet ouvrage avec de quoi réfléchir, ça c’est certain.

Du coup, vous, Michel Houellebecq, vous en pensez quoi ? Vous avez lu Sérotonine ?

Qui a écrit cet article ?

Le nez dans les bouquins, le cœur dans les musées, les jambes à l'assaut du patrimoine et l'esprit en voyage ! Je partage avec vous mes découvertes culturelles du moment, diverses et variées, sans prise de tête. Éclectisme, je crie ton nom !
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1 comment

Julien 21 août 2020 - 9 h 01 min

Je n’ai pas lu ce roman-ci, mais j’en ai lu un paquet d’autres et j’aime beaucoup le point de vue singulier de cet auteur et son style. Il écrit également des poèmes (je suis plus partagé) et avait également fait une exposition à Paris il y a quelques années (en 2016 au Palais de Tokyo) dont je me souviens encore assez bien bien qu’elle m’avait beaucoup déçu sur le coup (http://www.culturedeconfiture.fr/deception-palais-de-tokyo) !
Il a enfin une filmographie très intéressante, je pense avoir adoré chacun des films auxquels il a participé.

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