Standing ovation hier soir au Théâtre de la Cité pour Carmen. de François Gremaud, interprété par Rosemary Standley et cinq musiciennes. Attention, il y a bien un point après « Carmen » car il ne s’agit pas à proprement de l’opéra du XIXème siècle mais bien d’une réécriture, une sorte de conférence-chantée d’après le chef-d’œuvre de Bizet. La chanteuse Rosemary Standley déploie ses talents de raconteuse et d’interprète pour nous faire redécouvrir cet opéra-comique, son argument et les secrets de sa création le 3 mars 1875.
Carmen. après Phèdre ! et Giselle…
Avec Carmen., François Gremaud conclue un triptyque débuté il y a quelques années avec Romain Daroles et Phèdre ! Mais si, souvenez-vous, nous vous avions parlé de cette première pièce dans un article ici, ainsi que du deuxième opus Giselle… là. Le plaisir que nous avions pris à redécouvrir ces deux grands classiques du théâtre et de la danse nous a évidemment convaincu de venir voir cet ultime épisode consacré à une grande figure féminine de l’opéra.
Pour l’occasion, c’est Rosemary Standley qui vient sous les feux des projecteurs, mais cette expérience n’est pas tout à fait inédite pour elle puisque depuis 1999, elle partage la scène avec le groupe Moriarty. La chanteuse a plus d’une corde à son arc, puisqu’on la découvre aussi à l’aise dans le chant lyrique qu’elle l’est dans la country et le blues.
Rosemary Standley ne se fait pas prier pour interpréter les airs les plus célèbres de l’opéra Carmen, mais là où elle nous bluffe, c’est qu’elle est capable de transformer sa voix pour camper aussi bien le rôle titre (mezzo) que celui de Micaëla (soprano), et même ceux des personnages masculins comme le toreador (baryton) ou le brigadier (ténor). Bien qu’elle joue tous les rôles – et parfois même plusieurs simultanément – on n’est jamais perdu et on imagine parfaitement à quoi devait ressembler la première de l’opéra-comique en 1875.
Pièce d’humour, mais aussi pièce engagée
En mettant en scène Carmen., François Gremaud ne fait pas un choix anodin. Ces dernières années, l’héroïne de Bizet est devenue une véritable figure polémique, emblème d’un véritable fléau dans notre société : les féminicides. Forcément, les temps ont changé et la relation explosive entre Carmen & Don José racontée dans cette œuvre n’a pas été perçue de la même façon aux XIXème, XXème ou XXIème siècles. De la femme fatale et provocatrice à la femme libre et victime, c’est tout un éventail d’étiquettes qui ont été collées sur cette pauvre Carmen. Cette relecture de l’opéra est l’occasion de rappeler une fois de plus que non, un homme qui massacre une femme, ce n’est ni légitime, ni excusable ! et qu’aucun argument ne peut nuancer cette condamnation.
Plus gentiment, les toréadors en prennent aussi pour leur grade. Parce que c’est vrai que ce cher Escamillo est un personnage assez ridicule, à bien y regarder. Il faut dire que l’opéra n’a pas donné une image bien reluisante de la gent masculine, même si cela devait certainement coller avec certains stéréotypes d’un autre temps.
Pour enfoncer le clou de ce parti-pris féministe, Rosemary Standley n’est accompagnée sur scène que de femmes, jouant de la flûte (Irène Poma), de la harpe (Célia Perrard), du violon (Anastasia Lindeberg), du saxophone (Sara Zazo Romero), de l’accordéon, du tambourin et des castagnettes (Laurène Dif). Quand on sait que les orchestres du monde entier son majoritairement composés d’hommes, c’est un joli pied de nez.
Carmen. est encore à l’affiche au Théâtre de la Cité jusqu’au samedi 27 avril. Ce jour-là, François Gremaud himself remontera également sur scène pour interpréter à 15h son propre seul en scène, le génialissime Aller sans savoir où dont nous vous avions parlé ici. D’ailleurs, si vous réservez une place pour Carmen. n’importe quel soir de la semaine, vous êtes automatiquement invités à venir voir Aller sans savoir où gratuitement samedi. Sympa, non ?
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Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.
1 comment
Oui, une super experience de scène ! Je faisais partie des gens debout! J’avais aussi adoré Phèdre, et je rage d’avoir raté Giselle ( en esperant que ce ne soit que partie remise )