Nous avions déjà parlé de Thibaut Prigent en 2019 après avoir vu La Double inconstance, mise en scène par Galin Stoev, dans laquelle il jouait le rôle d’Arlequin. Le comédien de 29 ans est de retour au Théâtre de la Cité avec un spectacle intitulé La Fugue dont il est à la fois l’auteur et l’interprète.
La Fugue : un seul en scène… et 25 personnages !
Ce que je retiendrai de La Fugue, c’est l’énergie dingue que Thibaut Prigent met dans son interprétation des 25 personnages de la pièce. Tantôt aviateur, vendeur de cuisines, directrice d’un centre de réhabilitation psychiatrique, oiseau, médecin, jeune femme hypersensible… il passe d’un rôle à l’autre en un clin d’œil et parvient à les faire exister sans utiliser le moindre accessoire ni élément de costume.
Dans ce seul en scène, je veux donner ma voix et mon corps à un homme déterminé, jusque dans son monde imaginaire, par le modèle économique et social dans lequel il vit. Ce modèle est comme un venin qui aspire son courage, le prive d’idéal, et le transforme en être amorphe.
Thibaut Prigent
Les 70 minutes de ce spectacle sont un véritable marathon. Thibaut Prigent ne se contente pas de donner vie aux personnages qu’il a imaginés : il bruite, il mime, il nous fait imaginer les espaces, les véhicules, les machines, la météo, jusqu’à l’humidité de l’herbe verte… Parfois même, il chante ! Beyoncé n’a qu’à bien se tenir, il y a un véritable homme orchestre sur la scène.
Une comédie rythmée
Stéphane est le personnage central de La Fugue. C’est un commercial. Il vend des cuisines. En pleine réunion de stratégie marketing, le directeur commercial le surprend en train de rêvasser… la tension monte, Stéphane perd ses moyens et prend la porte, raillé par les employés du magasin. Ce magasin, il n’y retournera pas. C’est le début d’une aventure ponctuée de nombreuses rencontres où “il troque l’être passif qu’il pensait être et se découvre téméraire, hardi, courageux“.
Vous le savez, les seuls en scène ne sont généralement pas ma came. Pourtant, j’ai eu le sentiment de voir ici non pas un, mais une multitude de personnages. C’est la deuxième fois que j’apprécie ce genre de performance au Théâtre de la Cité. La dernière fois, c’était lorsque Romain Daroles a interprété à lui tout seul tous les personnages de Phèdre ! en juin 2021. Le procédé était à peu près semblable : un décor minimaliste (une table dans Phèdre ! et une chaise dans La Fugue), un acteur en jean et tee-shirt blanc, une galerie de personnages qui parviennent à exister grâce au talent seul du comédien.
Si vous voulez découvrir ce spectacle à la fois minimaliste et original, rendez-vous au Théâtre de la Cité jusqu’au 11 février.
Photo de couverture © Mathilde Maury
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Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.