Avec 70 spectacles vus (dont 46 pièces de théâtre), l’année 2024 a été particulièrement riche sur le plan culturel. Forcément, au moment d’établir un bilan, le choix n’est pas facile… Cette année, je vous propose donc le traditionnel top 10 suivi d’une rubrique « mention spéciale » pour les spectacles que j’ai quand même particulièrement appréciés cette année. C’est parti pour le bilan des meilleurs spectacles de 2024 (et non, Taylor Swift n’est pas dans la liste, désolé).
TOP 10
Les spectacles suivants ne sont pas classés par ordre de préférence… C’est déjà assez dur de sélectionner 10 spectacles, alors ne me demandez pas en plus de les classer !
Némésis, d’après Philip Roth mis en scène par Tiphaine Raffier
Ce spectacle a été pour moi l’une des plus grosses surprises de l’année. Scénographie captivante, interprétation bouleversante. Tiphaine Raffier fait désormais partie des artistes contemporains que je vais suivre de près. Toutes les qualités de son spectacle sont dans cet article.
Psychodrame, de Lisa Guez
Ce spectacle fait partie de ceux que j’ai préférés en fin d’année. Six psychologues utilisent le théâtre comme moyen thérapeutique pour faire parler des patientes avec qui les méthodes classiques n’ont pas fonctionné. Grâce au jeu, de manière plus ou moins inconsciente, les problématiques affleurent et peuvent être traitées.
Ce qui m’a le plus bluffé, c’est la capacité des comédiennes à jouer alternativement les psychologues et les patientes : la femme-serpent, la collégienne, l’étudiante érotomane, et surtout Jessica (incarnée avec virtuosité par Fernanda Barth).
Mon psychodrame préféré : celui de la femme-serpent qui met en scène cinq personnages – Marie, son mari, un papier-peint, une femme qui rampe derrière le papier-peint et la femme-serpent. Cela paraît déjanté a priori, mais cela fait surgir plein d’images surréalistes très riches sur le plan psychanalytique (même pour le spectateur). Et puis demander à une actrice de jouer un papier-peint (et le faire avec brio), c’est quand même une gageure !
Le spectacle est de surcroît très engagé sur le plan politique, nous rappelant à chaque instant à quel point l’hôpital public est en danger et combien la santé mentale est l’enfant pauvre de notre système de santé. Bravo à la compagnie 13/31 qui porte haut et fort les couleurs d’un théâtre original, intelligent et engagé.
Hécube, pas Hécube, de Tiago Rodrigues par la Comédie-Française
Quand on aime, on ne compte pas. Alors je suis allé voir 2 fois ce spectacle de la Comédie-Française qui a connu un grand succès en Avignon cet été. Clairement les comédiens du Français n’ont pas volé leur réputation : quel talent, ils sont captivants. Le premier soir, j’étais au cinquième rang, et le lendemain au balcon (rang W). Pour certains acteurs, la distance ne change rien, l’émotion reste intacte (oui Séphora Pondi, c’est de toi que je parle !).
Côté texte, il me semble que ce n’est pas la meilleure pièce de Tiago Rodrigues. Mais peu importe, on est quand même sur un spectacle de très bonne facture. Merci au Théâtre de la Cité d’inviter de si grands interprètes !
Sémiramis & Don Juan, par le Ballet de l’Opéra national du Capitole
Quelle merveille que ces deux ballets, magnifiés par une scénographie très léchée (allez voir les photos dans cet article). Il faut croire que le bouche à oreille a bien fonctionné, parce qu’après un démarrage très compliqué, la deuxième semaine s’est beaucoup mieux vendue que la première. Et on est très content pour les artistes, car ces ballets méritaient de rencontrer le succès !
Les gros patinent bien, de Pierre Guillois & Olivier Martin-Salvan
Cette pièce qui a reçu un Molière en 2022 était de retour en octobre pour 3 représentations exceptionnelles au Sorano. Quel régal ! Ce spectacle, c’est vraiment la définition du spectacle tout public de qualité. Petits et grands, tout le monde est ressorti émerveillé par ce cabaret de carton totalement loufoque et absurde.
EXIT ABOVE, d’après la Tempête, d’Anne Teresa de Keersmaeker
Je sais que le spectacle n’a pas convaincu tout le monde, mais pour moi qui n’avais jamais vu de pièce d’Anne Teresa de Keersmaeker, je dois dire que ça a fonctionné du tonnerre ! J’ai été ému aux larmes (de joie) pendant ce ballet où tous les aspects ont fait mouche : musique, scénographie, costumes, etc. Je comprends pourquoi cette chorégraphe belge est considérée comme une figure importante de la danse contemporaine ! Bravo.
Koulounisation, de Salim Djaferi
La grosse claque de la Biennale 2024, ce fut indiscutablement Koulounisation. Mon spectacle préféré de 2024 ? Possible. Sous forme de conférence sur la linguistique, Salim Djaferi a su aborder de manière redoutable la question de la colonisation et la manière dont les mots façonnent notre vision de l’Histoire. J’espère que ce spectacle sera reprogrammé à Toulouse dans les années à venir, car je rêve de le faire redécouvrir des tonnes de gens et d’élèves !
Tartuffe à deux, d’après Molière par Nathalie Barolle
Je n’aurais jamais cru possible de jouer Tartuffe avec seulement deux comédiens. Le Festival de Caves 31 a prouvé que ce défi pouvait être relevé. Et c’est, je pense, l’une des meilleures versions de la pièce que j’aie vue, comme je vous le disais dans cet article.
Jours de joie, d’Arne Lygre par Stéphane Braunschweig
Et bim ! Il a fallu attendre la fin de la saison 2023-2024 au Théâtre de la Cité pour voir l’un des meilleurs spectacles de la programmation. Stéphane Braunschweig nous fait découvrir un texte norvégien vraiment poignant et presque impossible à résumer. Des personnages se croisent, se racontent des instants de vie, leurs « jours de joie », pour ne pas oublier qu’il ne faut jamais perdre une occasion savourer les petits bonheurs afin de ne pas couler. « Rah, rah-ah-ah-ah / Roma, roma-ma / Gaga, ooh-la-la / Want your bad romance ». Virginie Colemyn, que j’avais adorée dans Le Songe (dont je vous reparle plus bas), est ici magistrale.
Tom Na Fazenda, de Michel-Marc Bouchard par Rodrigo Portella
Bravo au Théâtre Sorano pour cette production portugaise qui nous a bouleversés. L’équipe de Tom Na Fazenda (Tom à la ferme) a été particulièrement impressionnante, avec un message fort à transmettre : « Résister à l’exclusion de tout être humain ». Bravo !
MENTION SPÉCIALE
Il ne s’en serait pas fallu pour que les 6 spectacles ci-dessous soient classés dans le top 10, donc je leur ai quand même fait une petite place ici…
Oublie-moi, de Marie-Julie Baup & Thierry Lopez
Auréolée de 4 Molières, cette pièce n’est pas aussi rose que sa scénographie le laisse penser. On y voit la naissance d’un couple, puis la manière dont la maladie va peu à peu fragiliser la relation. C’est émouvant et délicat.
Fin de partie, de Samuel Beckett par Jacques Osinski
Ham et Clov, deux clowns tristes dans une maison (qui n’en est pas une) où vivent également 2 vieux dans des poubelles… Un chef-d’œuvre de Samuel Beckett, parfaitement compris par le metteur en scène Jacques Osinski et interprété par des génies du théâtre : Frédéric Leidgens et Denis Lavant.
Andy’s Gone, de Marie-Claude Verdier, par Julien Bouffier
Deux comédiennes rejouent la tragédie d’Antigone. Ou plutôt d’Alison – c’est le nom de la princesse dans cette pièce inspirée du mythe. Alors que les funérailles du prince de la cité s’achèvent, le peuple (nous, le public) est rassemblé dans un abri afin d’échapper à une catastrophe qui va bientôt le toucher. Les portes sont scellées, les murs dressés, les sentinelles aux aguets l’état d’urgence décrété. Régine, la reine, protège son peuple comme une véritable mère. Mais la princesse Alison veut faire tomber les murs et ouvrir les portes à tous ceux qui sont restés dehors…
Ce qui est original dans ce spectacle, c’est son dispositif. Chaque spectateur est équipé d’un casque audio : on entend à la fois les murmures des comédiennes (mode ASMR *on*) mais aussi les fréquences radio de la police, ainsi que de la musique off qui restitue une ambiance très immersive.
Ce que j’ai préféré, c’est l’entrée dans la salle par un étroit couloir, alors que résonnaient déjà dans les casques les consignes de mise à l’abri. Excellente manière de nous mettre dans la peau de ce peuple menacé par la catastrophe.
Quant au texte, il m’a un peu laissé sur ma faim. Les actrices Louna Astier (Alison) et Vanessa Liautey (Régine) étaient excellentes, mais je n’ai cependant pas ressenti les émotions que suscitent chez moi les tragédies réussies. Je suis donc ressorti avec un sentiment mitigé à l’égard de ce spectacle, qui m’a paru naître d’une excellente idée sans atteindre parfaitement le centre de sa cible.
Qui som ? de Baro d’evel
Avant de partir vers Avignon, Baro d’evel a présenté en avant première son nouveau spectacle Qui som ? au Théâtre de la Cité de Toulouse en juin. Un spectacle dans la lignée de Là et Falaise, dans lequel on retrouve aussi certains motifs de La Cachette (notamment l’utilisation de la poterie). Poétique, drôle, émouvant aussi, ce spectacle produit en nous une myriade d’images : la mer, le tour du potier, l’histoire de l’humanité… Une petite fille et un chien ponctuent les tableaux qui se succèdent, spectateurs de cette odyssée spectaculaire.
Aller sans savoir où, par François Gremaud
C’est désormais une règle : je ne manque jamais les spectacles de François Gremaud quand il passe à Toulouse. Dans Aller sans savoir où, le dramaturge suisse dissèque en direct sa propre façon de travailler et d’écrire. C’est passionnant de l’écouter et de le voir mettre en scène son propre processus de création. Et ce faisant, il crée !
Je vous le dis : il y a du génie dans cette manière de concevoir le théâtre ! D’ailleurs, Gremaud est revenu à Toulouse en avril avec Carmen. pour clore la trilogie commencée avec Phèdre ! et Giselle… et plus récemment avec l’excellent Allegretto.
Le Songe, d’après William Shakespeare par Gwenaël Morin
J’entendais parler de Gwenaël Morin depuis plusieurs années mais n’avais pas encore eu l’occasion de voir l’un de ses spectacles. Les images qui m’étaient parvenues du Songe, sa dernière mise en scène inspirée de Shakespeare, ne m’avaient pas particulièrement séduit. Je suis donc allé voir cette pièce avec un enthousiasme très modéré et une curiosité certaine.
Finalement, j’ai A-DO-RÉ cette façon de revisiter Le Songe d’une nuit d’été avec quatre comédiens et un minimum de moyens (trois fois rien de costumes, de décors, d’effets techniques). Ce spectacle a su capter la quintessence du théâtre et donner à voir ce que j’aime le plus au théâtre : du jeu, du jeu et encore du jeu !
Pas de doute, désormais quand je verrai le nom de Gwenaël Morin dans une programmation, je ne laisserai pas passer l’occasion d’aller voir son travail ! Tiens, mais on me dit dans l’oreillette qu’il sera au Sorano en 2025 avec Quichotte, d’après le roman de Cervantès…
Voilà pour mon bilan de l’année. Et vous, quels ont été vos spectacles coup de cœur en 2024 ?
Qui a écrit cet article ?
Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.