Eitan, allemand, aime Wahida, américaine. Seulement, Eitan est juif. Wahida est d’origine arabe, même si elle a abandonné la culture de ses ancêtres pour s’occidentaliser, à l’instar du diplomate de la Renaissance Hassan Al-Wazzan converti au christianisme à qui elle consacre une thèse. Or, le père d’Eitan est farouchement opposé à l’amour d’Eitan et de Wahida. Jusqu’au jour où Eitan est blessé dans un attentat terroriste et se retrouve dans le coma. A l’hôpital, la famille juive va devoir faire face à cette étrangère qu’ils ne veulent pas connaître, et réveiller un lointain passé que l’on avait tenté d’oublier.
Wajdi Mouawad a ses marottes. Les secrets de famille. Les conflits au Moyen Orient. Un souffle épique dans la narration.
Une fascination aussi pour le mythe d’Oedipe. Il avait fait entre 2010 et 2015 une magnifique mise en scène de la pièce de Sophocle. Quelques années auparavant, il en avait fait la réécriture dans son chef-d’oeuvre Incendies, qui l’a rendu célèbre auprès du grand public. Comme s’il n’avait pas encore fait le tour de la question, il réactive à nouveau ce mythe pour nous parler des conflits du vingt-et-unième siècle et des haines fratricides qui embrasent le monde moderne.
Bien que la pièce dure 4 heures et soit intégralement en langue étrangère (américain, allemand, hébreu, arabe) le temps ne semble pas long. Mouawad a l’art de la narration et connaît les ficelles pour tenir son public en haleine. On l’a dit plus haut : c’est épique ! Mais comme c’est du théâtre bavard, si vous ne parlez pas ces quatre langues, alors il faut que vous aimiez la lecture (au détriment de la mise en scène que vous n’avez pas le temps de regarder puisque les surtitres occupent toute votre attention). Personnellement, j’ai du mal à comprendre pourquoi la langue principale du spectacle (américain) n’est pas jouée en français… Ou plutôt si, je comprends, mais je n’approuve pas forcément cet effet de réel : elle est américaine, alors elle parle américain… soit ! Comme si Shakespeare avait infligé à ses contemporains un Roméo et Juliette en italien parce que la scène est à Vérone, et un Hamlet en danois parce que l’action est à Elseneur. J’ai été tellement concentré sur la lecture de la traduction que j’ai plus la sensation d’avoir lu la pièce que de l’avoir vue. Dommage d’aller au théâtre pendant 4 heures et de ce dire en sortant qu’on a pas bien le souvenir du visage des comédiens, d’avoir l’impression de les avoir peu vus alors qu’ils ont occupé la scène en continu…
Comme d’habitude, on n’est pas déçu de voir du théâtre quand c’est écrit / joué / pensé avec autant de professionnalisme. Maintenant, ça serait passionnant de voir une vraie “inédite” et de sortir des réécritures.
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Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.