Pour bien commencer le mois de mars, je me suis plongé dans un bref roman intitulé Vers le monde bleu de Guy Bordin (ethnologue et réalisateur). Ce roman a été récipiendaire du Prix du roman gay en 2023 dans la catégorie Roman ethnologique, ce qui a donc titillé ma curiosité. J’ai ainsi plongé « vers le monde bleu », intrigué par ce que j’allais y découvrir.
Vers le monde bleu, un roman d’apprentissage ?
Dans les années 1990, un jeune professeur d’histoire-géographie qui a toujours rêvé d’outre-mer se voit muté à Saint-Pierre-et-Miquelon. Pas de bol pour lui qui rêvait de terres australes… Mais ce changement marque le début d’une aventure aussi déroutante que transformative. Il fait d’abord connaissance avec un collègue de son établissement, un professeur d’EPS captivé par l’histoire des Béothuks, peuple amérindien éteint en 1829 avec le décès de Shanawdithit, dernière survivante répertoriée.
C’est justement cette jeune femme qui va faire l’objet d’une véritable enquête. Un livre d’histoire raconte qu’elle avait sculpté des poupées traditionnelles, derniers vestiges de sa culture et de son peuple. Or, ces figurines n’ont jamais été retrouvées. Le héros du roman va se lancer à corps perdu dans une sorte de chasse au trésor pour retrouver ces poupées et honorer à sa façon la mémoire de Shanawdithit et ses ancêtres.
Enquête ethnologique et éveil sexuel
Au cœur de ce récit à la première personne se trouvent trois rencontres qui bouleversent le cours de la vie du protagoniste et jalonnent sa quête. Peu à peu, le narrateur se découvre lui-même et s’éveille à la sexualité (plaisir qui, jusque là, avait été occulté de son existence) puis à l’amour. Les échanges, empreints d’humanité, révèlent au fil des chapitres de nouvelles facettes de sa propre identité et donnent du sens à sa vie.
J’ai réussi à peindre mon rêve sur quinze feuilles reliées entre elles par du ruban adhésif, alors qu’il m’aurait fallu idéalement un vaste pan de mur. Le monde entier est bleu, et pas exclusivement les mers et les océans, c’est ainsi que je l’ai vu en volant, mais d’un bleu riche d’innombrables teintes parfois inexprimables. Avec ses insuffisantes nuances, je juge mon rendu bien triste. Regarde-le et pense à moi qui t’attends, Paul.
Vers le monde bleu, chapitre 14 (pages 125-126), Guy Bordin, Les Éditions de la Trémie
Une plongée dans l’histoire de l’Amérique du Nord
Guy Bordin met dans la lumière l’histoire méconnue de l’Amérique du Nord et le destin tragique des peuples Béothuk et Mi’kmaq suite à l’arrivée des Européens. À travers ce récit, l’auteur nous invite à découvrir certains aspects de ces cultures algonquiennes, souvent négligées dans la littérature contemporaine. Ethnologue de profession, Guy Bordin a une écriture très factuelle et documentée qui rend compte de manière souvent précise des événements historiques et culturels. Cela prend parfois le pas sur le récit intime du personnage, qui n’est que le vecteur d’une histoire plus ample que lui. Ce style, déroutant au début, est néanmoins très fluide et a fini par m’emporter.
Avec ses 155 pages, Vers le monde bleu nous invite donc à la réflexion et à la découverte. Je remercie son auteur de m’avoir proposé de découvrir son œuvre originale et instructive, qui mérite parfaitement le prix dont elle a été auréolée.
Qui a écrit cet article ?
Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.